Le cycle des rencontres économiques organisé par l’IGPDE vient de reprendre ce jeudi 3 avril. Le thème d’ouverture est curieusement d’actualité (pour un sujet sélectionné une année auparavant) comme le faisait remarquer l’animateur Didier Ades en rappelant que si les prévisions économiques ont un caractère fondamental par les décisions qu’elles entraînent, elles n’ont rien d’une science exacte…
Il y a en effet eu beaucoup de questions posées autour de la révision de prévision du PIB français juste après les élections. Ce que j’ai appris lors de ces rencontres, c’est que nous ne saurions la vérité sur ce chiffre qu’en mai 2011 lors de la publication des comptes définitifs pour l’année 2008 avant cela tout ne sera que prévisions basées sur des données incomplètes.
Denis FERRAND, Directeur de la conjoncture et des perspectives de Coe-Rexecode, avait la charge d’introduire cette conférence en présentant les Principes et réalités des prévisions économiques. Son propos était de rappeler que la prévision est une affaire de conteur, dont on pourra mesurer l’habilité à la qualité de l’histoire qu’il va raconter. Ce que l’on demande au prévisionniste est d’évaluer différents scénarii possibles puis de s’engager sur un scénario.
Alain CHAPPERT, Directeur des Etudes et Synthèses Economiques de l’INSEE, venait présenter les deux métiers de l’Institut : la production d’information (sur lesquelles vont s’appuyer les prévisionnistes) et les prévisions à court terme avec la publication de notes de conjoncture. Il rappelait le cycle de révisions des comptes publiés par l’INSEE, depuis les comptes trimestriels publiés 45 jours après la fin du trimestre, aux comptes provisoires publiés en mai de l’année suivante, aux comptes semi définitifs publiés en mai deux années plus tard, jusqu’aux comptes définitifs publiés en mai trois années plus tard. Première surprise donc, il faudra presque 3 ans et demi pour connaître le véritable chiffre du PIB dont la croissance nous préoccupe chaque trimestre…
Alain CHAPPERT rassurait l’auditoire en précisant le niveau de révision depuis 94 du PIB trimestriel… niveau en moyenne de 0,27 points par trimestre… comparé au PIB de 0,5 pts par trimestre environ (sur un rythme de 2 % annuel, c’est assez effrayant !) Cette incertitude a d’ailleurs donné lieu à des discours politique en décalage complet avec la réalité, l’histoire d’une révision de prévision de croissance à la baisse (qualifiée de trou d’air par le ministre de l’époque) contredite nettement plus tard par une croissance du double de la prévision. C’est la part de subjectivité et l’absence de transparence de la méthode d’évaluation qui pourrait être mise en cause.
Cette évaluation en partie subjective du PIB, servant de base à des décisions politiques de première importance, pourrait être un argument supplémentaire à ce qui souhaite l’utilisation d’autres indicateurs prenant en compte les externalités des flux monétaires.
Philippe Bouyoux, Directeur des politiques économiques à la DGTPE prenait le relais des représentants de l’Etat de cette conférence. Il remarquait que si les travaux de prévision de l’INSEE se traduisent par une note de conjoncture à 6 mois, les travaux de la DGTPE sont annexés aux projets de loi de finances et ont donc une portée plus longue. Ces travaux ont pour objectifs le cadrage des décisions budgétaires et l’identification de points faibles dans l’économie. Il notait toutefois que certains évènements peinent à être explicités par les modèles développés en citant en exemple la baisse des exportations qui reste en bonne partie inexpliquée (les composantes habituelles d’une fluctuation des niveaux d’exportation n’expliquent pas les baisses constatées… sur les chiffres prévisionnels… la réalité rejoindra peut-être le modèle ?). La DGTPE réuni un groupe technique de prévisionnistes du secteur privé afin de comparer ses prévisions, groupe technique auquel participe Mathilde LEMOINE, Directeur des études économiques et de la stratégie marché de HSBC qui concluait les sessions de présentation avec le titre « Comment penser l’imprévisible ? ». Elle revenait sur la nécessité de courage et de constance pour résister aux pressions de différentes natures, internes et externes, qui peuvent peser sur le prévisionniste. Elle donnera d’ailleurs une vision de la fiabilité des prévisions lors de la table ronde en expliquant le concept de « biais », positif ou négatif, qui lui permettent d’inciter les clients à se diriger vers le marché français plutôt qu’un autre par exemple.
Une dernière anecdote pour terminer, à la question de l’animateur sur le niveau du taux de change euro/dollars dans un an, la prévisionniste d’HSBC expliquait les paramètres à prendre en compte : politique monétaire, élections… celui de la DGTPE coupait court en indiquant que leur méthode était de retenir la moyenne des trois dernières semaines, méthode qui cumulait les deux avantages de ne pas révéler de politique monétaire et de ne pas être plus mauvais que des modèles biens plus sophistiqués…
A la question de savoir comment se diriger vers des comptes définitifs au trimestre, la réponse a été que cela ferait peser une charge complémentaire sur les entreprises ??? Les mêmes entreprises qui tiennent leurs comptes pour des motifs de bonne gestion ou d’obligation sociales ou fiscales ? A l’heure ou les comptes des entreprises sont massivement informatisés, et à l’heure du décisionnel (la Business Intelligence) cela ne me semble pas un argument très solide…
Incertitude, révision, subjectivité, biais… à la question « que valent les prévisions économiques ? » titre de cette conférence, je crois que les participants avaient acquis une opinion plutôt tranchée, s’orientant vers le zéro…
Première session de ces rencontres économiques 2008 passionnante donc ! A bientôt pour la suite…