Alexis Monville (en)

Intelligence économique

L’institut de gestion publique et de développement économique (IGPDE), organisme de formation interne des deux ministères dit « financiers » (Budget, Comptes publics et Fonction publique d’une part Economie, Finances et Emploi d’autre part), a organisé une première session d’initiation à l’intelligence économique. Salle comble et nombreuses demandes insatisfaites présage un succès.

Le programme des interventions se décompose ainsi :

Introduction à l’intelligence économique :

Caractéristiques de l’Intelligence économique,

Les constituants offensifs et défensifs de l’Intelligence économique

Par François JAKOBIAK, Enseignant et consultant en Intelligence économique

La politique publique d’Intelligence économique.

Par Jean-Michel JARRY, Adjoint au Chef du Service de coordination à l’Intelligence économique

Cas pratique : Sensibilisation à la sécurité de l’information

Par Pierre-Yves BOUF, Hapsis-Education

Cas pratique, présentation de deux cas : Appropriation de l’Intelligence économique en PME

par Gilles MARQUIS, Consultant en Intelligence économique, Co-Act

Cas pratique : Sécurité économique active : protection du patrimoine de l’information

par Bernard HAYM et Lyonnel BENDER , Direction de la surveillance du territoire (DST)

Synthèse « les réflexes de base pour passer à la pratique »

par Jean-Michel JARRY,Adjoint au Chef du Service de coordination à l’Intelligence économique

Qu’est-ce que l’intelligence économique ?

L’intelligence économique est la maîtrise et la protection de l’information stratégique pour tout acteur économique. Elle permet la compétitivité du tissu industriel, la sécurité de l’économie des entreprises et le renforcement de l’influence de notre pays (définition issue du référentiel de formation à l’intelligence économique, février 2005).

Le terme « intelligence économique » est une dérivation de l’anglais « competitive intelligence » apparu aux Etats-Unis à la fin des années 80 avec les SCIP (Society of competitive intelligence professionnals). La coïncidence de date avec la chute du mur de Berlin n’en est pas une, il s’agit bien d’une véritable orientation stratégique des Etats-Unis et d’une mobilisation de l’ensemble des agences sur le champ économique, pour assurer la primauté des entreprises américaines dans le monde entier.

Le Royaume-Uni est assez proche en terme d’approche à l’heure actuelle, mais bénéficie d’une large avance en terme de compréhension de l’intérêt économique comme intérêt national. On remarquera la perception positive dans ces deux pays, de l’intérêt économique d’une part et des services de renseignement d’autre part… deux paramètres influents ?

La SCIP France sera créé en 1992, le terme « intelligence économique » sera officialisé dans le rapport Martre de 1994 « Intelligence économique et stratégie des entreprises ».

En 2003, le rapport Carayon « Intelligence économique, compétitivité, cohésion sociale » donne une impulsion clé, en proposant comme première étape de politique publique : engager une réflexion prospective appliquée, définir des priorités en matière de recherche et d’innovation, de secteur d’activités clés et de choix de pays partenaires. Ce rapport conduit à la nomination d’Alain Juillet dans les fonctions de Haut responsable pour l’intelligence économique.

En 2006, le deuxième rapport Carayon « A armes égales » propose de définir l’intelligence économique comme étant une politique voulue par le dirigeant, portée et déclinée par tous à travers une culture partagée, une organisation moins hiérarchique, fondée sur les réseaux, des méthodes et des outils.

L’intelligence économique est une activité indispensable à la vie des organisations, d’autant plus indispensable dans le contexte de mondialisation des échanges actuel.

La compétitivité, comme finalité première de l’intelligence économique, dépasse la définition réductrice du coût de production pour intégrer des composantes dynamique et d’innovation et est définie comme étant la capacité de déceler et de répondre en permanence aux besoins exprimés (ou non) des consommateurs en faisant des profits.

Les composantes offensives de l’intelligence économique sont :

Expression des besoins d’information,

Acquisition des informations,

Diffusion des informations,

Exploitation des informations,

Capitalisation des connaissances,

En vue de prises de décisions stratégiques.

On comprend l’importance du cycle de l’information dans la qualité des décisions de l’organisation et on perçoit donc le risque que des acteurs externes utilisent l’information pour influencer, voire déstabiliser une organisation pour leur propre intérêt. Il est donc essentiel pour une organisation de définir sa politique d’influence et de contre-influence, ainsi que d’encadrer les pratiques de lobbying des différents acteurs.

Les composantes défensives de l’intelligence économique visent à protéger et défendre le patrimoine informationnel de l’organisation. Un paradoxe de cette protection est que les entreprises qui diffusent largement de l’information en interne et en externe sont finalement moins vulnérables que celles qui pratiquent la rétention d’information à tous les niveaux. Le partage et la collaboration obligent à une prise de conscience de la valeur des informations en fonction de la stratégie de l’organisation, obligent à identifier les informations à protéger ainsi que les menaces tant externes qu’internes et faire comprendre que le patrimoine est de plus en plus immatériel.

La session s’est poursuivie en abordant la politique publique d’intelligence économique depuis le rôle de l’Etat jusqu’au volet territorial, à la mise en place des pôles de compétitivité. On pourrait se poser la question de la coordination d’un nombre d’acteurs important autant au niveau central qu’au niveau local.

Les sessions pratiques étaient consacrées à la sensibilisation à la sécurité de l’information, à l’appropriation pratique dans des organisations (avec l’exemple de PMI) et à la protection du patrimoine de l’information avec la DST.

Il m’est impossible de retranscrire ici les différentes expériences relatées lors de ces sessions. Je ne peux que recommander de vous intéresser à ce sujet, pour vous et votre organisation.

Parmis les anecdotes destinées à nous aider à dépasser notre naïveté naturelle, les difficultés d’impression sont des problèmes techniques ou des collectes mal intentionnées ? La circulation dans les bâtiments sans badge, L’utilisation de clé USB piégée, Le scan des ports bluetooth ou wifi ouvert, Les sociétés de ménage, de sécurité, de conseil, d’audit menant une activité de renseignement… J’en retranscris juste une ici que j’avais vécu quelques jours avant au bureau :

Le téléphone sonne : « bonjour Monsieur Monville, je suis Martine Durand de la société RIM… vous savez la société qui commercialise les Blackberry ? »

Moi : « oui »

MD : « nous menons une enquête afin d’évaluer la satisfaction de nos utilisateurs, vous êtes bien responsable du déploiement de nos solutions dans votre entité ? »

Moi (perplexe) : « euh… non… vous devez faire erreur… je ne suis pas concerné »

MD : « ah, surprenant c’est vers vous que l’on m’a orienté, vers qui dois-je m’orienter ? »

J’arrête là, la retranscription… J’ai été sauvé plus par mon agenda me recommandant de couper court que par la logique simple qui ferait qu’une société sait généralement qui est en charge du déploiement de ses produits…

De retour du stage d’intelligence économique ou une anecdote similaire était racontée par un des intervenants, j’en ai parlé à la machine à café… 3 de mes collègues les plus proches avait reçu le même coup de fil… Il est donc probable que ces appels étaient des actions d’identification de personnes dans l’organisation… pour une action de renseignement ultérieure ? Il est remarquable qu’aucun de nous n’en avait parlé (à qui ?) et n’était alerté par cet appel étrange…


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